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Par Dominique Martinez Béliers 1

 

Sortie : 9 décembre 2015

Durée : 1h32

Genre : Comédie dramatique

Un film islandais

Réalisation : Grímur Hákonarson

Distribution : Siguröur Sigurjonsson, Theodor Juliusson, Charlotte Boving…

 

 

Béliers 2 Un certainFarce à l’humour noir autant qu’hommage à la nature, Béliers, de l’Islandais Grímur Hákonarson fait l’effet d’un grand souffle d’air glacé. Prix Un certain regard au dernier Festival de Cannes.

Dans une vallée reculée d’Islande, Gummi et Kiddi, deux vieux frères voisins brouillés depuis des années élèvent leurs moutons avec soin et se livrent une concurrence vache. Mais une menace sérieuse vient perturber leur routine : l’épidémie de tremblante contamine leurs troupeaux et les autorités sanitaires les obligent à abattre le bétail. Ce qui sonne l’extinction de l’espèce : ce sera la fin de la lignée des Bolstad, des bêtes de compétition.

Béliers 3Basé sur les risques réels de l’industrie de l’élevage intensif, le scénario agit comme une métaphore de la propagation de la crise financière de 2008 qui avait littéralement mis le pays K.O. en saignant ses finances publiques. Mondialisation oblige. Mais, plus qu’une chronique sociale le récit emprunte les voies de la fable anthropologique. Son titre sans article – Béliers – évoque un sens générique, universel, et une double signification : celle de l’espèce animale autant que celle de l’entêtement humain. Pourtant l’identité nordique n’est pas en reste allant jusqu’à flirter avec le pittoresque : les deux frères barbus à l’air renfrogné sont souvent affublés des classiques pulls jacquard en laine d’agneau ou des chemises de flanelle à carreaux écossais. Ils forment un duo contrasté et aux accents comiques. L’un, grand, flegmatique et réfléchi, reçoit la gestion de la propriété familiale en héritage. L’autre, bourru et trapu, est un sanguin qui fonce, se saoule et tire des coups de fusil aux fenêtres de son frère…

Béliers 4

En toile de fond de ces querelles tragi-comiques, les décors font loi : montagnes enneigées, ciels interminables de gris, de bleus. Le climat est implacable : soleil, vent, neige, tout est frontal. Quelques notes de piano éparses font basculer l’atmosphère dans la solitude. Devant ce mélange d’humour noir et de drame, on pense à Noi Albinoi de Dagur Kari (2003). Et puis, progressivement, la nuit tombe et un sentiment de gravité l’emporte, faisant penser aux romans noirs de Arnaldur Indridasson et à son personnage principal, Erlendur, vieil enquêteur austère à jamais torturé par la perte de son frère au cours d’une tempête de neige, lorsqu’ils étaient enfants.

Quelque chose est en train de mourir, sur le point de s’éteindre, d’être enseveli. La planète gronde, les bêtes se meurent. Nous, peut-être, aussi. La dernière scène où les deux hommes, réfugiés sous la glace, leurs corps nus serrés l’un contre l’autre, tentent de survivre, est la plus belle du film. Plus qu’un hommage à la nature, elle appelle à un changement d’humanité.

 

Par Dominique Martinez

Affiche une histoire

Sortie : le 11 novembre 2015

Durée : 2h14

Réalisation : Robert Guédigian

Distribution : Simon Abkarian, Ariane Ascaride, Grégoire Leprince-Ringuet…

 

A travers Une histoire de fou, Robert Guédiguian apporte sa pierre à l’édifice de la reconnaissance du génocide arménien. Et prolonge la réflexion humaniste de toute son œuvre.

 

Il aura fallu dix ans après Le Voyage en Arménie en 2006 où Ariane Ascaride incarne une médecin française qui découvre ses racines arméniennes en partant à la recherche de son vieux père malade pour que Robert Guédiguian aborde de front la question politique de son identité arménienne. Sa volonté didactique transparait dans son récit mais le film présente plusieurs atouts.

Il s’inspire d’une histoire vraie et incroyable. La Bombe est un récit autobiographique de José Gurriaran, un jeune journaliste espagnol qui en 1981, à Madrid, saute sur une bombe posée par des militants de l’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie, l’ASALA. A moitié paralysé, sa vie bascule à plus d’un titre : il ne sait rien de l’Arménie, mais va s’y intéresser pour tenter de comprendre et même rencontrer ses bourreaux pour finalement adhérer à leur cause. C’est cette histoire qui est transposée au cœur de la fiction et de l’attentat qui, en 1971, fit sauter la voiture de l’ambassadeur de Turquie et blessa gravement un jeune cycliste…

Photo 3 une histoirePour aborder le génocide en tant que fait historique, Guédiguian refuse la reconstitution et s’en remet à l’originalité d’un prologue en noir et blanc, dans un tribunal : au cours de son procès, Soghomon Tehlirian, dont la famille a été entièrement exterminée, raconte comment en 1921, il a exécuté en pleine rue, à Berlin, Talaat Pacha, principal responsable du génocide arménien. C’est le témoignage du premier génocide du 20ème siècle. Il sera acquitté par un jury populaire.

Photo une histoire

A travers cette fresque historique, Guédiguian couvre les trois quarts du 20ème siècke et quatre générations de diaspora arménienne. Ses personnages sont incarnés et les scènes de tournées à Beyrouth montrent toute la légitimité et les limites de la lutte armée. Car c’est bien la question posée : la violence est-elle justifiable pour se faire entendre, aussi juste soit la cause défendue ?

 

Affiche Le fils de Saul

 

Par France Hatron

Sortie : le 4 novembre 2015

Genre : Drame

Un film hongrois

Réalisation : Laszlo Nemes

Avec :

Géza Rohrig, Levente Molnar, Urs Rechn…

 

Grand Prix du Festival de Cannes 2015

 

Image Saul

Saul Ausländer porte le numéro 7005. Membre du Sonderkommando du Kapo Biederman, un groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp de concentration, il seconde les nazis dans leur terrifiant plan d’extermination. Sa mission obligatoire consiste à réceptionner les voyageurs à leur descente des convois, à les faire déshabiller dans un vestiaire, trier leurs vêtements, les prier d’entrer dans les chambres à gaz, récupérer leurs effets personnels, nettoyer les sols après avoir fait glisser les corps sans vie pour les entasser. Etape finale : le crématorium. Et c’est précisément avant cette étape que Saul découvre le corps d’un garçon d’une dizaine d’années, gazé mais qui respire encore. Il croit alors reconnaître son fils. Sans mot dire, il observe le médecin nazi qui s’approche du corps pour l’étouffer. Saul demande à un médecin hongrois, chargé des autopsies, de pouvoir épargner les flammes à cet enfant pour lui offrir un enterrement selon la tradition juive. Le médecin lui répond : « Je suis prisonnier, comme toi ». Mais la demande de Saul sera exaucée. Ne lui restera plus qu’à trouver un rabbin, parmi les centaines de juifs présents dans le camp et ceux fraichement débarqués des convois. Mais le temps est compté car Saul se sait condamné comme les autres…

Image Saul 2

Pour un premier long métrage, la tâche consistant à représenter les camps de la mort dans une fiction dépourvue de son contexte politique et de toute romance était exigeante et ardue. L’exercice de style époustouflant s’avère pourtant réussi mais à quel prix ! La caméra embarquée ne lâche pas son personnage principal, Saul, qui lui ne manque pas une miette de l’enfer où il vit. Le spectateur découvre, lui, tout en pudeur, cet univers abominable et impitoyable, toujours flouté, par les cris, les bruits et les regards souvent haineux ou ébahis, rarement compassionnels. On n’est jamais vraiment dedans, ni jamais dehors non plus. D’où ce sentiment d’oppression permanente qui donne la nausée. Un sentiment rehaussé d’ailleurs par l’absence de profondeur de champ. On subit comme Saul, sans pouvoir agir, comme lui. Que faire ? Le prendre pour un héros ou pour un anti héros ? Comment peut-on accepter un tel travail ? Mais comment le refuser ? Difficile de trancher tant l’identification est difficile.

Image Saul 4Géza Röhrig réussit ici une vraie performance d’acteur avec ce rôle tout en retenue. La mise en scène ambitieuse et intelligente fascine, quant à elle, autant qu’elle enferme et fatigue, rendant ainsi la toute puissance du mal à son paroxysme.

 

 

Par Olivier Pélisson Image le chant d'une île

 

Sortie : 21 octobre 2015 

Durée : 1h43

Genre : Documentaire

Un film portugais

Réalisation :

Joaquim Pinto & Nuno Leonel

Distribution :

Les pêcheurs de Rabo de Peixe et leurs proches

 

Présenté dans de nombreux festivals internationaux (Berlin, Indie Lisboa, Rio de Janeiro, Cinéma du Réel, La Rochelle, Lussas), Le Chant d’une île sort finalement en salles en France.

Son titre original, Rabo de Peixe, veut dire « queue de poisson », mais est avant tout ici le nom du bourg de Ribeira Grande, deuxième municipalité de l’île de São Miguel dans l’archipel des Açores, en plein océan Atlantique, à mille-cinq-cents kilomètres de Lisbonne, où le film est tourné. Un coin du globe où l’activité principale est la pêche artisanale, ressource locale historique, mais menacée depuis la fin du XXe siècle par la mondialisation et l’industrialisation à outrance.

Image le chant d'une île 2

Filmé au passage de l’an 2000 et au début du nouveau millénaire, pendant deux ans, et présenté une première fois en 2003 dans une version de cinquante-cinq minutes pour la télévision, le travail a été remonté et re-finalisé par son tandem de réalisateurs. Car le premier montage servait avant tout la présentation d’un métier, et les cinéastes voulaient aussi rendre hommage aux moments passés tout autour de l’activité. Rentre palpable la vie à l’œuvre entre les scènes de pêche et de travail. Tout le tissu humain, dense, fait d’attente, de déambulation, de buvette, de causette, du vent qui souffle, du temps qui passe. Cet étirement temporel même qui les a menés tous deux a passé sept ans de leur vie dans les Açores.

Une épopée humaine, immersion avec les pêcheurs, digne de Robert Flaherty, avec une touche néo-réaliste qui évoque aussi bien le Visconti de La Terre tremble que Pasolini. Pinto et Leonel filment les hommes et les éléments, les visages bruts et burinés, la beauté et la rudesse, les corps infatigables répétant les mêmes gestes, s’adaptant aux saisons et à la nature, luttant contre la déshumanisation galopante, dans un coin du monde nourri du mélange, de la diversité, du métissage, hors des modes et des carcans. Et pourtant, la résistance se fissure sous l’effet de masse du monde en marche.

Image le chant d'une île 3Belle idée d’accompagner le film en voix-off par les deux auteurs qui se relaient vocalement, et citent volontiers les auteurs, Simone Weil ou Melville. L’amour du couple d’artistes se ressent, et porte discrètement cette ode à l’artisanat, à la simplicité, au désintéressement, qui célèbre aussi bien la faune et la flore des fonds marins que les ports et les modestes intérieurs, les fêtes et les processions. Le Chant d’une île est un film libre, et fait écho à Et maintenant, précédent opus du duo, sorti en salles en 2014. L’écho d’un cinéma généreux et attentif au monde, désembarrassé du gras de la séduction à tout prix et de la belle image posée. Du cinéma brut.

 

Par France Hatron Affiche Belle

 

Sortie : le 14 octobre 2015 

Durée : 1h53 

Réalisation : Jean-Paul Rappeneau 

Distribution : Matthieu Amalric, Marine Vacth, Gilles Lelouch, Nicole Garcia, Karine Viard, Guillaume de Tonquédec, André Dussollier, Gemma Chan… 

 

Jérôme Varenne, un homme d’affaires établi à Shangaï depuis dix ans, vient passer quelques jours en Europe avec sa fiancée Chen-Lin. Lors de son passage à Paris, il s’invite à l’improviste chez sa mère, une jolie blonde fantasque qui semble perturbée par sa visite. C’est un peu normal car la maison de famille où ont grandi Jérôme et son frère jaloux n’est toujours pas vendue. Jérôme l’apprend en arrivant ! image 2 Belles famillesLes Varenne se retrouvent aux prises d’un étrange litige entre le promoteur immobilier et le maire, tous deux très intéressés par la propriété.  Jérôme décide de se rendre sur place pour éclaircir le mystère. Il retrouve un ami d’enfance, Grégoire Piaggi, dans le rôle du promoteur immobilier et découvre l’existence de la maîtresse de son père défunt, laquelle femme a une fille jeune et très belle, Louise, dont il va peu à peu s’étreindre. Mais le double interdit se profile puisque Louise est la fiancée du promoteur et que Jérôme vit avec Chen-Lin qui commence à le trouver plus que distant.

image 1 Belles familles

De facture très classique, ce film séduit dès les premiers instants par son rythme, ses personnages séduisants et attachants et une intrigue captivante ancrée dans la bourgeoisie de province contemporaine. On se plaît à imaginer la demeure familiale majestueuse en repère de souvenirs et de mystères à tiroirs. On n’est pas déçu : elle est belle, grande, et regorge de bons et mauvais souvenirs. La distribution, à la hauteur sur le papier, se montre en revanche décevante. Matthieu Amalric s’avère inégal, Nicole Garcia, Guillaume de Tonquédec et Gilles Lelouche surjouent, la jeune Marine Vacth manque de justesse et pourtant pas de sex-appeal ! Karine Viard ne manque, elle, vraiment pas de panache dans son rôle émouvant de maîtresse amoureuse et lésée. Quant à André Dussolier, son personnage plein de bons sentiments et de bienveillance nous séduit forcément en amoureux de Suzanne Varenne (Nicole Garcia).

image 3 Belles famillesL’état de séduction initial ne dure pas. La tension dramatique retombe assez vite et les dialogues plats ne donnent pas beaucoup d’espoir pour d’éventuels soubresauts. Entre drame et comédie, artifices de rebondissements de scénario classiques, adultères passés et présents, on oscille d’une sensation à l’autre, d’une envie à l’autre, sans savoir à qui ni à quoi se raccrocher vraiment. On se dit avec regret que ce film n’est pas abouti. Dommage. 

 

Par France Hatron images

Sortie : le 7 octobre 2015

Documentaire

Age : tous publics

Durée : 84 min

Un film américain

Réalisation :

Lydia B. Smith

Distribution : Samantha Gilbert, Wayne Emde, Annie O’Neil, Thomas Moreno…

 

Le chemin de Saint Jacques parcouru dans la douleur et l’épanouissement personnel, commenté par six pèlerins modernes de diverses nationalités. Les intentions de Lydia B. Smith apparaissent clairement mais les portraits méritaient d’être plus approfondis.

Depuis le IXème siècle, des millions de pèlerins venus du monde entier ont emprunté le chemin de Compostelle, réputé pour ses vertus d’enrichissement spirituel et humain. Selon la tradition religieuse, le but du périple qui dure entre trente et quarante-deux jours, à raison de 20 à 25 Km journaliers, consiste à atteindre le tombeau de l’apôtre Saint Jacques Le Majeur, abrité dans la crypte de Saint Jacques de Compostelle en Espagne. Au fil du temps, le pèlerinage religieux s’est aussi décliné en une randonnée pédestre ambitieuse rassemblant des aventuriers juste animés par une quête de sens. Leur corps mis à l’épreuve ne suit pas toujours mais pas question de lâcher ! Ce que montre très bien Lydia B. Smith dans son premier film.

Image CompostelleLa réalisatrice a emboité le pas de six pèlerins attachants qui cheminent sur le « Camino Francès » débutant aux pieds des Pyrénées à Saint Jean Pied de Port. Les séquences sont rythmées par les « buon camino ! » échangés par les aventuriers rencontrés sur le chemin. Tatiana, une trentenaire pratiquante marche avec son fils de 3 ans, Cyrian, et son frère, un jeune adulte radieux qui lui, n’a pas la foi et aime s’amuser quitte à enrager sa soeur. Wayne Emde est Canadien. Après un inoubliable pèlerinage au Japon, en la mémoire de sa femme, il s’attaque à celui de Saint Jacques avec un ami. Le pain rassis ne les déprime pas. La danoise, Anne-Marie, « pas très religieuse » et indépendante rencontre quand-même l’adorable William, de dix ans son cadet, mais qui est  » juste un compagnon de chemin « . Quant à Annie, une charmante quinqua américaine, elle s’étonne de la générosité ambiante. En effet, un étrange allemand, voisin de dortoir, lui porte son sac à dos une journée ! La belle Samantha vient, elle, du Brésil où elle n’avait plus ni boulot, ni logis, seulement des antidépresseurs et un mec qui buvait. Désormais, seule la beauté intérieure compte et peu lui importent ses cheveux pas lavés depuis un mois ! Le jeune portugais Tomas a rencontré deux amis pour la vie. La preuve que par le dépouillement et l’épuisement, on se rapproche plus facilement du cœur et du meilleur de soi. Image Compostelle 3

Lydia B. Smith le montre par des images en accord avec des témoignages assez semblables sur le fond, qui rejoignent celui d’un prêtre : « Le camino est une médecine douce qui peut guérir toutes les blessures. Ceux qui le commencent en tant que touristes le finissent en tant que pèlerins ». Pour autant la réalisatrice ne s’est pas aventurée sur le plan spirituel. Elle a seulement filmé Tatiana en prière ou assistant à des offices religieux. Mais cette jeune mère ne dit rien de son passé et pas grand-chose de ses motivations, ni de son choix d’avoir emmené son petit garçon. De même, Annie ne se dévoile pas beaucoup non plus. Ce parti pris de la pudeur nous laisse un peu sur notre « faim ». En revanche aucune modération du côté de la musique type banda, qui s’impose de façon quasi omniprésente, remplaçant les commentaires en voix off, inexistants (et c’est tant mieux !). Des petites maladresses à mettre sur le compte d’un premier film qui n’empêchent pas malgré tout Lydia B. Smith de bien faire ressentir l’expérience des pèlerins des Chemins de Compostelle, son mystère, ses embuches et ses récompenses. »

Par France Hatron 

 

Sortie : le 23 septembre 2015Photo affiche deux amis

Durée : 1h42

Un film français

Genre : Comédie romantique

Réalisation : Louis Garrel

Distribution :

Golshifteh Farahani, Vincent Macaigne, Louis Garrel, Mahaut Adam…

 

Présenté à La Semaine de la Critique 2015

 

Image Les 2 amisTrois femmes se douchent côte à côte. On entend : « Douche terminée ! Vous sortez ! ». Le ton est donné. La prison se profile. Deux des détenues peuvent sortir pour la journée. Mais la liberté surveillée impose quelques contraintes, à savoir ne pas se faire mettre le grappin dessus par un amoureux transi, et rentrer à l’heure le soir. Mona se fait belle dans le bus. Maquillage et boucles d’oreilles composeront le nouvel écrin de la jeune femme libre. Mona court pour rejoindre la sandwicherie de la gare du Nord où elle est vendeuse. Un homme qui l’a vue arriver, l’admire de loin avant de l’appeler. Mais elle ne veut plus le voir. Le pauvre Clément qui ne pense qu’à elle se confie à son ami Abel qui lui suggère de déclarer sa flamme à la belle Mona. Les deux garçons la suivent jusque dans son train et l’obligent à en descendre. Quand les portes se ferment, elle sait qu’elle devient une fugitive puisque le contrat de confiance est rompu…

Image 2 Les deux amis

Louis Garrel a décliné son court métrage La règle de trois, en conservant les trois acteurs principaux mais en leur attribuant de nouveaux rôles. Dans les deux formats, un élément perturbateur sème le trouble.

Louis Garrel mêle le sentiment amoureux, le désir, l’amitié, la trahison, la confiance et le devoir qui impose des contraintes. Autant de sujets graves qu’il traite habilement avec un mélange de légèreté (vive l’oiseau qu’offre Clément en cadeau à sa dulcinée dans la gare !) et de noirceur (insoutenable scène violente du quai de la gare). Les émotions s’entrechoquent encore plus vite, encore plus fort que dans la vie, la tension dramatique persistante en toile de fond. Image 3 Les deux amisEt comme le film est très bien écrit et très bien joué, on se délecte de cette histoire pourtant, avouons-le, un peu tirée par les cheveux. Le premier film de Garrel est certes ancré dans un cinéma bien français mais on sent sa patte personnelle, la patte Garrel dira-t-on certainement dans quelques années.

 

Photo affiche YouthPar France Hatron

Sortie : 9 septembre 2015

Durée : 118 min

Un film franco-suisse

Réalisation : Paolo Sorrentino

Distribution : Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Jane Fonda, Mark Kozelek…

 

Fred et Mick, deux amis de longue date, tous deux riches, l’un octogénaire et l’autre septuagénaire, passent leurs vacances, depuis vingt ans, comme curistes dans un hôtel de luxe à Wiesen, au pied des Alpes suisses. Frédéric Ballinger, désormais à la retraite, était compositeur et chef d’orchestre. Il n’a aucune intention de revenir à sa carrière musicale. Son meilleur ami, Mick Boyle, poursuit, lui, sa carrière de cinéaste. Il achève le scénario d’un film. Frédéric est accompagné de sa fille et assistante, Lena qui a épousé Julian, le fils de Mick.

Photo Youth 1Parmi les autres curistes : un acteur en préparation d’un rôle, un ancien footballeur empâté et un moine bouddhiste adepte de la lévitation. Tous se regardent le nombril, exposant leurs soucis de santé, leur amourette d’adolescent… Les deux amis évoquent avec philosophie le temps passé, les sacrifices, les regrets, les trahisons inavouées, l’angoisse de vieillir, conscients que le temps à venir leur est compté. Petite lumière d’espoir, au beau milieu d’un univers où règnent les retraités botoxés : l’apparition dans la piscine de Miss Univers, celle-là même qui nous vaut l’affiche du film. Une fois sortie de la piscine et de l’affiche, l’actrice sera vite oubliée. Côté choses sérieuses, la reine d’Angleterre a demandé à Fred d’interpréter Simple Songs, son œuvre la plus célèbre, ce qu’il refuse fièrement sans se justifier. Quant à Lena, elle prévient son père qu’elle va divorcer.

Photo Youth 2

Paolo Sorrentino ne manque pourtant pas d’humour, mais la vulgarité et la lourdeur de certaines images et situations prennent souvent le dessus dans le film. On se serait passé des détails sur la prostate et de la vision surréaliste d’une Jane Fonda à bord d’un avion.  Le cinéaste cherche à nous divertir au gré du temps qui passe et des souvenirs qui refont surface, avec sa mélancolie, clé de voute de ses deux dernières œuvres. Mais là où La grande belleza déployait sa mélancolie avec panache et distinction, Youth l’impose ici sans pudeur avec une suffisance et une prétention désagréables.

Photo Youth 3

Dommage car la mise en scène au cordeu, l’interprétation sans faille et les images de montagne, comme celles de l’hôtel et de ses curistes, toutes bien léchées, étaient propices à traiter de la maturité et de la sénilité avec plus de tendresse et d’empathie. Mais peut-être faut-il une maturité certaine pour mieux digérer cette ode à la jeunesse au côté plus amer que doux ?

 

 

Par Olivier Pélisson

 

CASA GRANDE *** Affiche Casa Grande

Sortie : 3 juin 2015

Durée : 1h55

Un film brésilien

Réalisation :

Fellipe Barbosa

Distribution : Thales Cavalcanti, Marcello Novaes, Suzana Pires, Alice Melo, Bruno Amaya, Clarissa Pinheiro

 

UNE SECONDE MÈRE ***
(QUE HORAS ELA VOLTA ?)

Sortie : 24 juin 2015

Durée : 1h52

Un film brésilien

Réalisation :

Anna Muylaert

Distribution : Regina Casé, Michel Joelsas, Camila Mardila, Karine Teles, Lourenço Mutarelli, Helena Albergaria 

Affiche une seconde mère

Le hasard de la programmation et des sorties dans les salles françaises en juin offre deux films brésiliens. L’un en début et l’autre en fin de mois. Deux films primés en festivals ; le premier à Rio de Janeiro, São Paulo et Toulouse, le second à Sundance et Berlin. Deux films qui sont un prolongement l’un de l’autre, par leur thématique, leur description du monde en marche et du Brésil actuel, pris entre ses contradictions, son héritage historique et son désir d’émancipation. CASA GRANDE est le premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, déjà auteur de courts métrages et du documentaire LAURA (2011). UNE SECONDE MÈRE est le quatrième opus pour le cinéma d’Anna Muylaert, suite à DURVAL DISCOS (2002), É PROIBIDO FUMAR (2009) et CHAMADA A COBRAR (2012). Mais son premier à sortir en France.

CASA GRANDE décrit la déréliction d’une famille très riche de Rio de Janeiro, à travers le fonctionnement de son espace de vie : la maison, d’où vient le titre, littéralement « Grande maison ». Le père, homme d’affaires qui a réussi par le passé, est dans une passe difficile, accumule les dettes et ne peut plus assurer le train de vie bourgeois familial, avec plusieurs voitures, plusieurs employés dans la grande baraque avec jardin et piscine. UNE SECONDE MÈRE suit la chute des valeurs d’une maison bourgeoise de São Paulo, où la femme à tout faire est devenue au fil du temps, comme le titre l’indique, la seconde mère du fils des patrons, au détriment de sa fille biologique à elle, restée dans sa région d’origine (Nordeste), où cette dernière a grandi avec l’argent que sa maman lui envoie.

Photo Une Seconde Mere 02

L’espace de la maison est un théâtre essentiel dans les deux aventures. Une demeure souvent filmée dans ses rituels, vus de l’extérieur dans le premier. Avec plan initial et final sur la bâtisse, côté jardin, avant et après la chute. Et avec plans réguliers au petit matin, lorsque le personnel arrive, de moins en moins nombreux au fil de la crise familiale. Dans UNE SECONDE MERE, c’est l’espace intérieur qui incarne et symbolise les enjeux. Val, employée de maison, ne peut pas aller n’importe comment et n’importe quand dans les lieux dédiés aux « maîtres ». Et c’est bien parce que sa fille défie tous ces codes de circulation, spatiaux et sociaux, que la famille et les rapports implosent.

Photo Une Seconde Mere 13

La piscine reste le symbole éclatant de la réussite. Le maître de maison y prend son bain dès l’ouverture de CASA GRANDE, et elle est témoin de l’affrontement entre le père et le fils, lorsque la crise matérielle bouleverse l’équilibre familial. Dans UNE SECONDE MÈRE, la fille de Val y sème la zizanie lorsqu’elle s’y retrouve, au grand dam des propriétaires et de sa mère. Le cérémonial des repas aussi, avec service du personnel, et vaisselle convenable ou pas, comme lorsque « Madame » refuse que Val serve le café dans le service modeste que cette dernière a offert à sa patronne. L’argent manque à Val et sa fille pour s’installer dignement, et le fils de famille de CASA GRANDE est pointé du doigt et traité de radin, comme son père, lorsqu’il ne peut pas rembourser son ami. Les signes extérieurs de richesse sont de vrais catalyseurs sociaux, transformés en pivots narratifs. Intéressant qu’Anna Muylaert ait choisi, pour incarner son employée, enfermée elle-même dans un esclavagisme moderne, une vedette populaire brésilienne, une femme qui a réussi : Regina Casé.

Passionnant de voir le cinéma brésilien et ses auteurs s’emparer de la réalité actuelle nationale. Les deux cinéastes font preuve d’un sens aigu de l’observation du quotidien et des mutations sociales, tout en réussissant à en faire de la fiction. Les adolescents espèrent et les adultes doivent suivre. Les plus riches souffrent des aspirations par procuration de leurs parents, quand la fille de l’employée de maison d’UNE SECONDE MÈRE décide de dépasser les barrières et les dictats, concrètement, en étudiant, en s’accrochant, et en prenant ses repas à la table des maîtres. Dans CASA GRANDE, c’est le fils de riches qui brave les codes en allant coucher avec l’ex-bonne, dans sa favela. Le pays peut ainsi avancer, et le cinéma brésilien continuer à prendre son pouls.

 

 

Par Dominique Martinez Photo La loi du marché

 

Sortie : le 20 mai 2015

Age : 16 ans

Présenté au Festival de Cannes 2015

en Sélection Officielle

Durée : 1h33

Un film français

Genre : Film dramatique

Réalisation : Stéphane Brizé

Distribution : Vincent Lindon, Yves Ory, Karine de Mirbeck, Matthieu Schaller, Xavier Mathieu, Noël Mairot…

 

La cinquantaine, ancien ouvrier et « chômeur de longue durée » selon l’expression consacrée, Thierry, un père de famille accepte un boulot de vigile dans un supermarché. Mais à quel prix ? 

Avec ce film, lors du 68e Festival de Cannes, Vincent Lindon a remporté la première récompense de sa carrière : le très couru Prix d’Interprétation Masculine. 

Photo la loi 2C’est un film sèchement politique. Brutal même. Sans spectaculaire, sans grandiloquence, mais avec force et réalisme, Stéphane Brizé livre dans ce sixième film, un constat sans concession sur notre société actuelle. La première scène annonce la couleur. Dans un long plan séquence, Thierry dit au conseiller Pôle emploi sa fureur de s’être vu envoyer faire une formation dès le départ inutile, alors que lui pensait accroître ses chances de trouver un travail. La caméra filme un homme de peu, un taiseux en colère, un poli lucide. En face, elle en filme un autre, gêné, comprenant l’inanité du mécanisme à l’origine de cette colère, mais qui ne peut dénoncer la logique en place puisqu’il est payé pour l’appliquer au quotidien. Tout est là. La violence et l’absurde d’un système qui répond à La loi du marché, celle qui pousse des entreprises bénéficiaires à licencier leurs salariés – des hommes et des femmes – pour faire encore plus de profits. La condition sociale est au cœur du film et scène après scène Brizé s’attache à croquer un système qui broie les hommes, réduits à sauver leur peau les uns contre les autres. La rupture avec ses anciens collègues syndicalistes dépassés, la lassitude des entretiens d’embauche sur skype déshumanisés, la résignation aux ateliers de professionnalisation acerbes, le sang-froid lors des rendez-vous moralisateurs à la banque, etc. Egales dans leur dimension d’humiliation sociale banalisée, ces séquences sont presque toutes coupées au milieu comme un symbole que les enjeux soulevés ne trouveront pas de solution. Celle où Thierry et sa femme négocient avec un autre couple la vente de leur mobile-home est révélatrice : chacun est à 100 euros près. On en est là. La seconde partie du film, située à l’intérieur du milieu du travail est un portrait aussi frontal…

Photo La loi 3Comme un bloc, Vincent Lindon incarne, souverain, « un costaud qui encaisse ». Il n’en est pas à son premier rôle de prolo et après Mademoiselle Chambon (2009) et Quelques heures de printemps (2012), il se révèle à nouveau sous la direction de Brizé, qui l’a entouré d’acteurs non professionnels jouant leur propre rôle. Le cinéaste dit avoir voulu « confronter l’humanité d’un individu en situation de précarité à la violence de notre société ». Le résultat est là : son cinéma âpre et économe, qui s’attache à porter sans cesse le regard de Thierry, agit comme un miroir. Et révèle à froid toute la férocité de la violence ordinaire.