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Par Thomas Constant

Master der der

Sortie : 9 janvier 2013

Age : A partir de 15 ans

Durée : 2 h 17

Un film américain

Genre : Drame psychologique

Réalisation : Paul Thomas Anderson

Interprétation : Joaquin Phoenix, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams, Laura Dern… 

Fixer le point. Le premier point que se fixe The Master est le précédent film de Paul Thomas Anderson, There Will Be Blood, qui sert ici de modèle. Un modèle épuré, délaissant le pluralisme des points de vue, des multiples parcours fonçant vers un même point de rencontre, au profit d’une confrontation constante, d’une opposition forcée entre deux variations de la folie. Le prospecteur contre le prêcheur, l’Idiot contre le Maître, le savant. En perdant ainsi sa mordante efficacité au profit d'un cynisme froid, Paul Thomas Anderson

réalise une œuvre intrigante mais qui semble un peu vaine. Le film est à l'image de l'une des expériences du Maître, Philippe Seymour Hoffman, qui impose à son Idiot utile, Joaquin Pheonix, de fixer un point au loin, d'aller le toucher, de le décrire, puis de faire demi-tour pour revenir à son point d’origine et recommencer dans le sens opposé,  inlassablement. Par ses images, ses formes, ses sons, le film balade le spectateur d'un point à un autre, puis de cet autre point vers celui de départ. Une structure narrative délicate, qui sans être pesante, échappe à toute projection empathique. La forme s'avérerait donc parfaite, à savoir conforme aux enjeux cliniques de l'expérience, si elle ne jouait pas en contrepoint avec deux séquences d'une rare éloquence sur lesquelles repose l'enjeu émancipateur du film.

image The master 3

La première séquence met à nu Freddie, l’Idiot, qui devant le savant va s’expurger de ses secrets. Sans cligner des yeux, et donc le plus rapidement possible, Freddie doit répondre aux questions du Maître. Pendant que

Joaquin Phoenix réalise une micro-performance, le spectateur choisit de fixer un point. Les yeux de l'acteur, qui ne cessent bien évidement de cligner. Mais au-delà de cette barrière, à travers cette fenêtre sur « l’âme », nous voyons ce qui a rendu le Maître si amoureux de son Idiot utile : son jeu. Le plaisir de retrouver une tension, une force, une performance brute filmée sans coupures ni ajouts. Joaquin Pheonix sur-joue néanmoins son rôle déjà trop écrit par sa propre histoire de star qui a feint la chute libre. Mais la séquence se tient, elle concentre l’attention, coupe le souffle et nous donne à faire corps avec celui de Freddie avant qu’une vision de son passé ne nous permette de respirer. Cette fusion des regards, celui de l’Idiot et de son Maître, de l’acteur et de son spectateur, ne retrouve son pendant et sa puissance que bien plus tard dans le film.

Isolé dans le désert, le Maître invite à une nouvelle expérience. Fixer un point vers l’horizon, l’atteindre le plus vite possible à dos de moto et revenir sans tarder vers l’autre point, celui du départ. Philip Seymour Hoffman commence, expérimentant son propre jeu, menaçant de tomber de son bolide lancé

à grande vitesse. Éreinté mais fier, il demande à son Idiot de faire de même. Ce dernier file, bien au-delà du désert, laissant sur le côté la caméra du réalisateur qui peine à garder la vitesse de Freddie. Point culminant du cynisme de Paul Thomas Anderson, cette séquence symbolise l’implosion du couple de fous, mais restitue surtout la condition du spectateur enchaîné à son fauteuil.

Image the master 13

Ni idiot ni maître, le spectateur est prisonnier d’un dispositif ancré culturellement et socialement depuis plus d’un siècle. Cette expérience est le cinéma. Rester immobile, silencieux face à l’écran, à l'image d'un condamné derrière ses barreaux qui chercherait vainement à voir au-delà. Le cinéma est autant une « fenêtre sur le monde » que l’œil de l’acteur le « reflet de son âme ». Le réalisateur ne cesse de nous dire de voir au-delà, de chercher au plus loin ce point. Reste à trouver intérieurement ce à quoi ce point peut faire référence, comme Freddie l'a vécu. Ou bien s'émanciper pour de bon de son maître et quitter fermement la salle pour colporter « la bonne parole » : oui, je suis un spectateur vivant, vibrant et libre de me détacher à tout moment de cette hallucination collective ! Reste à savoir si nous en avons l'envie et la force.

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