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Par Catherine Ruelle

Une rétrospective du cinéma sénégalais, c’est d’abord une immense brassée d’images, de sons, de couleurs, d’histoires ! Un peu plus de soixante années d’une cinématographie à (re)découvrir ; une des premières du continent africain dans les années 60. Aujourd’hui beaucoup de cinéastes et d’acteurs ont disparu, mais les images sont là et continuent à raconter leur histoire.
« Elle est belle la France Diouana ! – Oui Monsieur ! ». Douce et tendre Diouana, – M’Bissine Diop- bercée dans l’illusion de l’ailleurs, d’un paradis qui allait se révéler piège mortel ! On était en 1966. Sembène Ousmane, écrivain reconnu, après avoir réalisé en 1963, le magnifique Borrom Sarret, signait son premier long métrage : la Noire de … un film qui a gardé la grâce et la force politique de ses origines ! En ce temps là, l’immigration n’était pas encore de « masse », le bateau était

un paquebot (et pas une pirogue), mais la mort était déjà au bout du chemin !
Dès le début, le ton était donné ; à travers fictions et documentaires, le cinéma sénégalais allait raconter, avec ses propres images et ses propres mots, les réalités du pays, les interrelations avec le monde et avec la France, ex pays colonisateur avec lequel il fallait régler des comptes ; en ce temps là, le Sénégal était indépendant depuis peu et la barque (Sunugal1), fragile encore, était gouvernée par un poète président !2 Sembène Ousmane allait enchainer très vite avec Le Mandat premier film tourné en woloff, vrai manifeste cinématographique et satire de la nouvelle bourgeoisie, autour de l’histoire d’un mandat envoyé de France et impossible à encaisser. Et tandis que Paulin Soumanou Vieyra, dahoméen3 d’origine, développait les « Actualités sénégalaises » et que des adolescents s’usaient les yeux à tenter de voir des westerns par les trous des palissades des cinémas en plein air, les premiers cinéastes revenaient des lointaines écoles européennes : Ababacar Samb Makharam, venu de Cinecita , metteur en scène inspiré, s’ engageait dans la défense des images du continent au sein de la Fepaci (fédération panafricaine des cinéastes) tout juste créée. Et la neige n’était plus, Kodou et Jom témoignent aujourd’hui de l’immense talent de ce cinéaste aux grands éclats de rire, trop tôt disparu, tout comme « l’homme aux semelles de vent » le magnifique comédien, poète et cinéaste Djibril Diop Mambety, auteur du cultissime Touki-Bouki, (1973) une autre histoire d’amour, de rêve et d’exil vers un « ailleurs meilleur » ; à la fin du film le jeune Mory reste à quai, tandis qu’Anta, -Myriam Niang- quitte le Sénégal sur un autre paquebot blanc ; le même peut- être qui ramènerait au pays près de vingt ans plus tard Linguère Ramatou, vieille dame richissime venue régler ses comptes dans la petite cité de Colobane, dans le film Hyènes (1992).

Attardons-nous un instant sur ces années 70, l’âge d’or du cinéma sénégalais. Les salles de cinéma étaient pleines à craquer, le public adhérait à l’oeuvre de ses cinéastes, dont le talent était reconnu à l’extérieur dans les plus grands festivals internationaux de Cannes à Venise et de Carthage à Ouagadougou. Mahama Traoré, ami et contemporain de Djibril Diop, dénonçait dans N’Jangaan (1974), film brillant monté par Marcel Hanoun, l’emprise croissante du fondamentalisme religieux dans la société. D’autres comme Momar Thiam et Tidiane Aw s’essayaient au cinéma populaire, peignant les affres d’une jeunesse en proie au chômage et aux désordres de la drogue et de la violence, tandis que Ben Diogaye Bey racontait l’histoire des Princes Noirs de Saint Germain des Près.

= »attachment wp-att-1568″ href= »http://www.lecinemadanslesyeux.com/cinema-senegalais-de-la-noire-de%e2%80%a6-a-la-pirogue-soixante-annees-dhistoire/safi-faye/ »>Safi Faye, la grande dame du cinéma sénégalais faisait ses premiers pas de documentariste avec Lettre paysanne (1974) émouvant hommage à son grand père, et constat implacable du néo-colonialisme à travers l’histoire d’une mono-culture imposée par la colonisation, l’arachide. Felix Samba N’Diaye n’était pas loin, avec ses petites histoires des gens de tous les jours, pêcheurs, artisans, matrones, enfants, des « histoires de petites gens » que Djibril Diop Mambety allait magnifier dans La petite vendeuse de soleil son tout dernier film en 1998.
Au début des années 80, sont arrivées de nouvelles générations, avec des films à la première personne, comme Toubab Bi de Moussa Touré, élevé au biberon du cinéma sur les plateaux de François Truffaut, Bertrand Tavernier ou Bernard Giraudeau. Dans ses aventures parisiennes, son double de cinéma était l’acteur Makéna Diop qui allait ensuite interpréter Rambo dans TGV, avant que le cinéaste ne se tourne lui aussi vers le documentaire. Il faudrait parler d’Ousmane William M’Baye, de Moussa Bathily, de Moussa Sène Absa, de Mansour Wade, de Jo Gaye Ramaka qui ont tous réalisé des films très personnels ; parler encore des acteurs et actrices, innombrables et talentueux parmi lesquels Nar Sène, Awa Sène Sarr, Omar Seck, Rokhaya Niang, Fatou N’Daw…

Mais il nous faut arriver aux années contemporaines et à la génération actuelle, celle dont les parents ont vécu l’exil et l’émigration ; celle d’Alain Gomis, réalisateur de l’Afrance, dont le nouveau film Aujourd’hui (2012) raconte le dernier jour de Satché. Satché sait qu’il n’a plus qu’une journée à vivre ; établi aux USA, il retourne chez lui, au Sénégal, pour célébrer sa mort à venir en compagnie des siens. Satché, c’est Saul Williams, musicien et poète hip hop, révélé en 1998 avec Slam. Le film aura été le dernier de Thierno Ndiaye Doss, grand comédien, qui vient de disparaitre après avoir traversé toute l’histoire du cinéma sénégalais.

De la même génération que Alain Gomis, Dyana Gaye. Elle a signé de France quelques magnifiques courts métrages, dont Une femme pour Souleymane, avec Makéna Diop puis à Dakar Deweneti et Un transport en commun (2009) une comédie musicale étonnante avec Umban

U’kset, autre grand comédien et musicien.
A Dakar de nombreuses jeunes femmes poursuivent aujourd’hui dans le documentaire et la fiction, le travail de leur aînée Safi Faye. Elles ont nom Angèle Diabang Brenner, Khadi Sylla, Alice Diop et bien d’autres.
Et l’histoire ne s’arrête pas là ! Même si les salles de cinéma ont fermé, même si les institutions cinématographiques nationales se sont délitées, les ciné-clubs renaissent ; même si les moyens financiers sont plus difficiles à trouver, les cinéastes tournent ; de nouveaux cinéastes prennent la caméra, numérique cette fois !
Le plus beau message d’espoir c’est Sembène Ousmane qui nous l’a envoyé en tournant à quatre vingt ans largement dépassés son dernier film Mooladé, l’histoire d’une femme qui se rebelle et qui dit non ! Le double en couleurs et actif cette fois de la petite Diouana des années 60. Le temps a passé, le cours de l’Histoire a changé, le cinéma sénégalais a atteint l’âge de la maturité et pourtant la « pirogue » est toujours en mouvement.

1 En woloff
2 Léopold Sedar Senghor
3 Béninois aujourd’hui

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