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Par Olivier Pélisson

Age : à partir de 12 ansPhoto Oliv 111
Sortie : 10 avril 2013

Durée : 1h45
Un film français
Genre : Chronique existentielle
Réalisation : Jérôme Bonnell 

Distribution : Emmanuelle Devos, Gabriel Byrne

Cinq longs métrages en dix ans pour Jérôme Bonnell, qui continue de creuser le sillon d’un cinéma de l’intime, entre discrétion et subtilité, depuis Le Chignon d’Olga (2002). Parfois les récits sont serrés, guidés par un personnage, comme celui de Nathalie Boutefeu alias Fanny dans Les Yeux clairs (2005), parfois ils sont plus amples, comme avec les destins croisés de J’attends quelqu’un (2007). Mais toujours ils restent marqués par un glissement progressif, un basculement irrémédiable vers l’inconnu, et souvent vers l’acceptation.

Le Temps de l’aventure suit un glissement vers le désir. Alix est comédienne et joue « La Dame de la mer » d’Ibsen à Calais. Le lendemain matin d’une représentation, elle regagne Paris pour la journée. Elle vient passer une audition pour le film d’un jeune réalisateur. Dans le train, elle aperçoit sur un siège de la rangée opposée le visage d’un homme en larmes. Leurs regards se croisent. Se cherchent mutuellement le long du trajet. A l’arrivée en Gare du Nord, il l’aborde pour savoir comment rejoindre l’église Sainte-Clotilde. Il vient d’Outre-manche. Court-circuités par l’intervention d’un autre passager, leurs chemins se séparent. Pas pour longtemps.

Photo Oliv 2

Car Alix est aimantée par cette rencontre de hasard. Alix n’est plus une jeune fille mais elle garde intacte une énergie de battante. Elle court pour repasser chez elle. Orpheline de son chargeur de téléphone, elle passe ses appels dans des cabines publiques. Elle n’arrive pas à joindre son amoureux Antoine. Elle est à découvert et ne peut plus retirer d’argent. Elle n’a plus assez de monnaie pour payer son café. Elle arrive en retard à ses essais. Mais jamais elle ne se démonte. Elle avance, elle enchaîne, elle vibre, elle palpite. Elle est dans la vie. Entièrement. Et surtout,

c’est une aventurière existentielle. Happée par le souvenir tout frais de sa rencontre ferroviaire, elle part en quête de cet Anglais bouleversé. Sans savoir ce qui va arriver. Comme l’Alice de Lewis Carroll, Alix suit son instinct et saute dans le vide.

Jérôme Bonnell a écrit ce sublime rôle pour Emmanuelle Devos, qu’il voulait retrouver après lui avoir offert Agnès dans le collectif J’attends quelqu’un. Et quel rôle. Après Arnaud Desplechin et Jacques Audiard, l’actrice trouve en Bonnell un parfait orfèvre qui lui permet de se lancer à l’image comme sur une page blanche. Elle est de tout le récit, lui donne son souffle, son rythme, son pouls. Filmée de face, de dos, de profil, à même la nuque, le visage ou la peau, elle y trouve un terrain de jeu infini.

Ce qui lui permet de distiller son abattage décalé et son aisance dans l’humour. Elle est tordante lorsqu’elle lance à son interlocutrice téléphonique « J’ai rien d’humain à 6h50. Je vais ressembler à une assiette de flageolets » avant d’entrer en scène pour jouer Ibsen. Idem quand elle sur-joue le bouleversement durant l’audition d’Alix, quand elle se cramponne à un poteau dans la rue et qu’un passant lui lance « Beau couple », ou quand elle se lâche durant l’affrontement avec sa sœur.

Une sacrée énergie aussi. Car elle investit de manière extrêmement physique son personnage et chaque plan. Dans le mouvement, de coulisses en lumières, de couloirs en chambres, de rues en rames de métro. Dans la langue, du français à l’anglais. Jusqu’à l’exercice « actoral » de haute voltige dont elle ne fait qu’une bouchée en dévalant un plan-séquence de six minutes où elle décline une série d’humeurs durant les essais d’Alix. Nourrie de quarante-cinq films, Devos trouve ici un nouveau sommet après la Carla de Sur mes lèvres et la Nora de Rois et reine. Entre aplomb et grâce. Et la maturité lui va bien.

Face à elle, Gabriel Byrne brille de virtuosité toute en intériorité. Habitué du cinéma de genre (La Forteresse noire dePhoto Oliv 3 Michael Mann, Miller’s Crossing des Coen, Usual Suspects de Bryan Singer, La Fin des temps de Peter Hyams) et du flegme (en psy de la série In Treatment/En analyse), il impose son jeu contenu anglo-saxon avec sa composition d’un être qui se protège des émotions fortes déjà traversées, mais qui se redécouvre prêt à l’aventure.

Bonnell s’avère être définitivement l’un des cinéastes les plus fins en matière de description de l’âme humaine. Son écriture simple et profonde se double d’une mise en scène précise et sensorielle. Il excelle avec cette rencontre entre la saltimbanque et le professeur, l’énergique et le maîtrisé, l’ici et l’ailleurs, et deux chaleurs opposées mais complémentaires. Pour le meilleur.

Par Olivier PélissonRadio bonne

Age : pour tous
Sortie : 3 avril 2013

Durée : 1h43
Un film français
Genre : Documentaire
Réalisation : Nicolas Philibert

Des couloirs. Des portes. Des bureaux. Des fenêtres. Des ascenseurs. Des studios d’enregistrements. Des casques. Des micros. Des écrans. Des téléphones. Des magnétophones. Des CD. Des tables de régie. Des instruments de musique. Des voitures. Des motos. Des logos. Des parapluies. Et même un Jésus. Voilà les trésors de la caverne d’Ali Baba que Nicolas Philibert révèle dans son nouveau film, La Maison de la radio.

Une fourmilière et un monde à part qu’il capte avec son œil de lynx, son oreille à l’affût et son montage ingénieux. Il en faut du discernement pour faire un choix drastique parmi des heures de rushes et livrer 1h43 aux spectateurs. 1h43 au cœur d’une institution nationale qui réussit comme La Ville Louvre, qu’il filmait il y a vingt-deux ans, à éviter la célébration béate d’un lieu culte. Mais qui joue au contraire la carte de l’observation expérimentale. Le cinéaste ouvre ainsi ses sens techniques (œil-caméra et oreille-micro) pour capter l’invisible de la radio, l’envers du son, le hors-champ visuel.

Maison radio sans titreComment filmer ce hors champ ? Que choisir ? Où placer sa caméra ? Quelles images garder ? Comment monter ? Autant de questions que le cinéaste baladeur expérimente et résout en faisant. L’intuition et les conditions d’enregistrements font le reste. Tout comme quand

il saisissait en mouvement les bêtes inanimées d’Un animal, des animaux, les bruissements existentiels du Pays des sourds ou les patients et soignants comédiens de La Moindre des choses.

L’autre bonne idée est de ne pas chercher à balayer intégralement le champ des stations et des programmes. Toutes les émissions et vedettes maison ne sont pas représentées ou évoquées. Ce qui compte, le fil rouge, reste la ligne poétique et insolite d’une journée imaginaire, du jour à la nuit, (re)constituée d’innombrables moments glanés pendants six mois de tournage. Un jour parmi d’autres, déclinés comme une palette de saynètes dont on retrouve parfois des personnages, des lieux, des situations, tels des gimmicks. Avec des noms attendus ou non.
Comme pour une adaptation d’œuvre littéraire pour le cinéma, où un scénariste et un réalisateur investissent arbitrairement sur écran l’imaginaire de n’importe quel lecteur, Philibert met aussi en images ce qui par tradition reste ouvert au champ des possibles de chacun(e) : l’envers du décor de la radio. Même si certains programmes accueillent aujourd’hui des caméras qui enregistrent et diffusent en ligne.

Pho radio 3

Plusieurs visages, voix et corps servent de guides, de ponctuations, du serveur-livreur Jésus à la journaliste d’infos Marie-Claude Rabot-Pinson et à la réalisatrice de fictions Marguerite Gateau. L’humour déborde, des plans de la tête du programmateur musical noyé dans ses piles de cd aux tics de candidats du Jeu des 1000 euros. Le ballet des corps mêle un animateur gesticulant devant son micro, une journaliste malvoyante droite comme un I, un commentateur sportif en plein Tour de France ou un reporter en panne d’avion bloqué derrière son bureau.

Et la magie opère au détour d’une évocation, d’une réflexion, d’une conversation. Comme dans la rencontre drolatique qui réunit Alain Veinstein et son invitée romancière Bénédicte Heim. Philibert en retient un jeu de regards, de moues et de silences qui vire au ping-pong visuel et sonore digne d’une séquence de Jacques Tati. Tout en folie douce. Tout en finesse. L’auditeur ne pourrait en saisir cette part invisible. Là brille l’essence-même de La Maison de la radio.