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Par Olivier Pélisson Lili Rose1

 

Sortie : 22 octobre 2014 

Durée : 1h30

Un film français

Genre : Road movie

Réalisation :

Bruno Ballouard

Distribution :

Salomé Stévenin, Mehdi Dehbi, Bruno Clairefond, Thomas Chabrol, Catherine Jacob 

 

Une fille. Deux garçons. Un trio imprévu qui prend la route sur un coup de tête. On a déjà vu ça sur grand écran. Et pourtant… LILI ROSE réussit à créer de l’inédit et à installer un ton, une musique, dans un premier long métrage tout en douceur.

Samir bosse comme ouvrier. Xavier vit de coups au poker. Un soir, ils rencontrent Liza, la future femme d’un pote du second qui les a invités à sa fête. Promise à une vie rangée, mais déçue par son mec en pleine soirée, elle part errer dans les rues et les deux amis la récupèrent. Commence une virée improvisée qui se prolonge en une parenthèse enchantée. Le temps de prendre le large, au bord de la mer, justement. Ailleurs que dans l’espace balisé par leur quotidien. Histoire de fuir les questions. Ou de les questionner en creux. Qu’a-t-on fait de sa vie ? S’est-on engagé sur la bonne voie ? Avec la bonne personne ? Est-on à la bonne place ? A trente, quarante ou cinquante ans, les personnages jouent leur destin à leur manière.

LILI ROSE - 7Les paysages de la côte bretonne ajoutent à cette ouverture mentale et physique. Le vent dans les herbes. La force des vagues et des marées. L’harmonie minérale des rochers. La quête et le questionnement de la liberté s’ouvrent aux éléments, loin du tumulte de la ville, de la technologie, de la performance et de la rentabilité modernes. Samir, Xavier, Liza, et le lunaire Pierrot (Thomas Chabrol) qu’ils croisent sur leur chemin, suivent le fil de leur propre pelote existentielle. Ils acceptent de le suivre en lâchant du leste. L’humour de dragueur bourlingueur de Xavier répond à la candeur bonhomme de Samir, face à l’instinct libertaire auquel Liza ouvre soudain les bras.

Lili Rose3

Bruno Ballouard a choisi de filmer des êtres qui ont déjà décidé de fuir un système de vie quadrillé, ou qui prennent la tangente pendant un week-end. Son récit fait aussi le choix d’une ligne qui privilégie la fuite et fait confiance aux pulsions, aux instincts, aux coups de cœur, aux accélérations, aux respirations. Il enchaîne des scènes construites comme des tableaux, des saynètes à humeur variable, en réaction à ce qui s’est joué juste avant. L’occasion pour l’auteur-réalisateur de distiller un ton très personnel, qui joue de la mélancolie comme du burlesque. Une note douce-amère jamais cynique et toujours bienveillante. Les personnages se regardent avec curiosité mais ne se toisent pas, hormis une frangine muselée par son frère lors d’un dîner qui dérape.
LILI ROSE - 5La finesse d’observation se mêle à un sens du cadre précis. La cocasserie des situations et des postures de Xavier et Pierrot gagne parfois l’espace pour un comique discret et décalé. Une tonalité juste que Bruno Ballouard infuse avec flair. Inspiré, il a réuni la trop rare Salomé Stévenin, sexy dans son élégance naturelle, opaque dans sa densité intérieure, Mehdi Dhebi, juvénile dans sa fluidité féline, mélancolique dans sa retenue solide, et Bruno Clairefond – une révélation-, déglingué dans son irréductibilité solitaire, touchant dans sa frondeur humaniste. Trois visages et trois corps offerts avec générosité au regard du spectateur.

 

Par Olivier Pélisson

Sortie : 8 octobre 2014 Affiche Mommy 3

Durée : 2h14
Un film canadien
Genre : Comédie dramatique
Réalisation : Xavier Dolan
Distribution : Anne Dorval, Antoine-Olivier Pilon, Suzanne Clément, Patrick Huard, Alexandre Goyette, Michèle Lituac, Viviane Pacal, Nathalie Hamel-Roy

La mère. Vaste figure que Xavier Dolan scrute, visite, fouille, depuis son premier long métrage J’AI TUE MA MÈRE. Un face-à-face implacable qui tenait de la partie de ping-pong existentiel vu par les yeux du fils. Avec MOMMY, il déplace le curseur et rejoint le regard de la génitrice. Une femme, seule, veuve, qui récupère un beau jour la garde de son fiston adolescent et copieusement agité. Trimballé d’un centre à un autre depuis la mort du père, cet hyperactif hyperémotif déborde d’amour pour sa p’tite maman. Et en déborde tellement que les situations et échanges virent à l’extrême en un quart de seconde.

Mommy 1Comment se renouveler avec ses obsessions ? Comment surprendre avec un sujet vieux comme le monde ? Comment saisir son auditoire ? C’est tout l’art de Xavier Dolan, auteur et réalisateur de ce cinquième film où il ne joue cette fois pas (comme dans LAURENCE ANYWAYS). Il a composé un ballet humain à trois personnages sans cesse au bord de la rupture. C’est là où il excelle, dans ce jeu avec les limites. Limites du relationnel entre les êtres, limites de l’acceptation entre les personnages, limite du supportable entre une mère et un fils, limites du vivable pour une femme en plein « burn out ». Et limites du cadre même de l’image sur l’écran.

Mommy 2Le cinéaste et son chef opérateur André Turpin offrent en effet au film et au spectateur le format carré, rare et dense du 1.25. Un choix qui concentre le regard encore plus fortement sur le visage de ces deux femmes et de ce garçon, solitudes aimantées les unes aux autres. Un parti-pris avec lequel ils jouent aussi lors de respirations éclatantes, qui ouvrent MOMMY à un nouvel horizon. Judicieux et pertinent comme rarement, car la forme épouse parfaitement le propos, au plus proche de l’enfermement qui guette chacun des protagonistes, au plus près des sensations du spectateur.

Créatif, foisonnant, précis, Dolan compose un univers visuel où le style claque. La palette des lumières balaie rapidement la froideur clinique initiale par un festival de couleurs chaudes, des éclats du soleil aux décors intérieurs. Outre le format marquant, le look adopté pour Diane, la mère, joue à fond la carte du voyant d’une « bimbo » mère de famille, et sert subtilement la coexistence de la fragilité et du feu dans ses veines. La voisine Kyla est plus rangée en apparence, mais sa flamboyance naît à fois de son visage tendu, de son bégaiement et de son rapport au monde. Quant à Steve, il agite sa blondeur et sa frondeur juvéniles face à elles, tout comme il jette son corps sur tous les murs de sa vie, jusqu’à faire bouger « ses » deux femmes sur du Céline Dion. Audace sonore qui décolle étonnamment, du cadre privé et fermé d’une cuisine jusqu’à la salle de cinéma qui lui fait face au moment de la projection. Mommy 3

Sculpteur méticuleux dans la construction de ses personnages, Xavier D s’est à nouveau entouré de trois interprètes qu’il a déjà conviés, avec générosité, de l’héroïne maternelle de J’AI TUÉ MA MÈRE (Anne Dorval) à la compagne de LAURENCE ANYWAYS (Suzanne Clément). Ces deux dernières et la révélation Antoine-Olivier Pilon (aperçu en ado dans LAURENCE…) trouvent en Diane, Kyla et Steve l’occasion « d’incarner » avec une force et une intensité stupéfiantes. Au-delà de l’exercice ostentatoire de la performance, ils élèvent des personnages créés sur papier, et dans la tête de leur auteur réalisateur, au statut de figures entêtantes. Le résultat est captivant et bouleversant, à la fois mûr et décapant. Du grand art.